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De la Perversion du Narcissisme.

(partie 1)

Quand le travail sur soi ne suffit pas

Il m’est arrivé en consultation de voir des personnes arriver avec des types relationnels qui ne soutiennent pas leur élan vital, leur épanouissement. Il arrive parfois que cela soit juste dû à des difficultés d’affirmation, une nécessité à développer des compétences en termes de communication afin de pouvoir partager avec leur partenaire ce qui est important pour elles.

Parfois, elles ont du mal à se faire de la place en raison de leur conditionnement, de leurs blessures, de leur éducation. Le chemin sera d’apprendre petit à petit à restaurer leurs fondations, leur connexion consciente à elles-mêmes afin de pouvoir mieux appréhender leur intériorité, mieux se faire de la place à elles-mêmes. De cet accueil et de cette découverte, aller vers le lien à l’autre, que cet autre soit partenaire, enfant, collègue, parent, avec plus d’assertivité.

Mais il arrive parfois que dans certaines relations, quelquesoit la quantité de travail effectuée sur soi, la meilleure option n’est pas de faire plus de travail sur soi, mais de remettre en question ses choix relationnels.

Je vais vous conter l’histoire de Narcisse quand celui-ci prend tellement de place, que la fleur devient toxique.

quand le narcissisme rend aveugle

Avertissement : La complexité des relations humaines

Il n’y a pas de recette toute faite en matière relationnelle. Chaque situation est unique. Il est malvenu de faire du copier-coller. Le prêt-à-penser n’a pas sa place dans le champ de la psychologie appliquée. Sinon, on risque de faire du hors-piste. Dès lors, ce que je vais vous partager viendra forcément simplifier certaines situations qui mériteront de l’orfèvrerie et du sur-mesure pour pouvoir pleinement appréhender les enjeux. C’est d’ailleurs tout l’intérêt du travail en psychothérapie : de pouvoir recevoir une aide ajustée, loin des sentiers battus de la pensée.

I. Le Déni des Origines : Les (Non) Fondations

À la base de toute perversion, il y a un déni. Pourquoi ? Parce que le déni crée une rupture avec le réel. Dès lors, les mécanismes de défense de la personne n’auront de cesse de dépenser de l’énergie psychique en continu pour continuellement construire des murs entre le réel et le fantasme qui en est fait.

Le déni des origines signifie que, dans la perversion, l’être est non né, il n’a pas pu amorcer un processus de différentiation lui permettant de se rencontrer en tant que sujet. Une fusion à la mère trop prononcée peut être en cause ; un blocage dans le développement psychique de l’enfant se produit. N’étant pas sujet, l’individu ne pourra pas reconnaître les autres en tant que sujets.

Il y a dès lors un haut niveau de morbidité dans ce mode de fonctionnement. Dans son livre sur la perversion narcissique, Claude Racamier développe cette idée. Les origines sont niées avant la mise en place de l’œdipe ; dès lors, une toute-puissance se met en place, ainsi qu’un développement contrarié de l’expérience de la frustration.

faire des deuil dans la pénombre

II. L’Incapacité à Faire des Deuils

Ce déni des origines entraine également une non possibilité à faire des deuils. En fait la négation d’une causalité de son origine, entraine une rupture dans la relation au temps et au changement. La possibilité de faire des deuils est justement corrélée au rapport au temps, A s’inscrire dans une temporalité. Un avant un aprés. Le fait de s’inscrire comme un chainon appartenant à une lignée. La conséquence de cette mise en place psychique, on pourrait plutot dire absence de mise en place psychique a des conséquences :

1.Enflure de l’Ego et du Narcissisme Si je rentre dans cette boucle d’autosuffisance, je ne dois rien à personne, en revanche les autres me doivent tout

2.Négation de l’Autre en tant que Sujet En n’entrant pas dans le « devenir sujet », je vais nier l’autre en tant que sujet, ce qui est un viol relationnel. Pour reprendre le travail du psychanalyste jungien Adolf Guggenbuhl, je vais devenir un handicapé de l’Eros, l’Eros ici pris au sens de capacité à entrer en lien.

3.Refus de la Remise en Question Toute personne qui va initier une remise en question de ce schéma de fonctionnement deviendra une menace pour la survie psychique de l’individu, qui devra alors être (inconsciemment) anéantie.

4.L’Élaboration Mentale au Service du Narcissisme L’élaboration mentale est toujours au service du narcissisme, et du maintien des mécanismes de défense. Ces derniers doivent être massifs pour faire barrage à la réalité de l’impermanence.

quand la parole est une coquille vide

III. La Parole Comme une Coquille Vide

La parole ne sera pas un moyen de communication, car la communication véritable implique la coexistence de deux sujets. Je ne peux communiquer que si j’ai développé la capacité à prendre en considération la singularité de la personne avec laquelle je suis en communication.

Si la parole n’est utilisée que comme un faire-valoir, ou un moyen d’auto-approbation, elle perd sa valeur de moyen de partage et d’échange. À ce moment-là se crée une rupture totale dans la fonction du langage et de la parole. Ce qui fait que les personnes se retrouvant dans ce type de configuration, perdent complètement les pédales.

Les mots deviennent vides. Et la capacité à développer un sens moral est inexistante.

le piege des projection du mental

V. Le Piège du Sens Moral Projeté

Le piège ici, et le mécanisme qui fait que les personnes qui vivent ce type de relation y restent jusqu’à potentiellement y laisser leur peau, c’est qu’elles projettent leur sens moral sur l’autre, bien souvent inconsciemment, ce qui maintient l’espoir que les choses puissent changer et se passer autrement.

Le problème de ce type de fonctionnement (ici je parle de la personne dont le narcissisme est à peu près « normal »), c’est qu’au plus j’investis du temps et de l’énergie à essayer de faire que les choses changent, au plus je vais avoir du mal par la suite à moi-même faire le deuil de la « relation ». (Je mets de gros guillemets ici, car sur cette base-là, il n’y a malheureusement jamais eu de relation.)

roulette de casino : le cercle vicieux des relations defectueuse

V. L’Analogie du Joueur de Casino : Cercle Vicieux du Déni

Paradoxalement, l’incapacité de la personne atteinte de perversion du narcissisme va être vécue par la personne à l’autre bout de l’écharpe relationnelle. Un peu à l’image d’un joueur de casino : tu commences à perdre de l’argent. S’enclenche alors un mécanisme de déni.

La bonne marche à suivre serait de prendre acte de la perte d’argent, de ressentir la douleur de la perte, et sur cette base-là, décider à nouveau : est-ce que je veux remettre une nouvelle somme ?

L’inverse, c’est de nier cette souffrance première, la nécessité du deuil, et de remettre de l’argent. Perte encore. À ce moment-là, la douleur de la perte augmente d’autant. Le mécanisme de déni se renforce.

Maintenant, je dois faire le deuil de la première perte, plus celle de la deuxième. Si tu n’as pas développé la compétence de t’asseoir avec ta douleur, il y a fort à parier que tu vas à nouveau jouer, et le cercle vicieux s’enclenche.

Le mécanisme que je viens de décrire rapporte des milliards aux casinos dans le monde entier chaque année.

VI. L'Importance de la Connaissance Psychologique

C’est pour ça qu’avoir des connaissances pratiques en psychologie est libérateur, tout comme apprendre à se connaître soi-même.

Il n’est plus possible dans le monde complexe dans lequel on vit, où tout va de plus en plus vite, de faire l’économie de ce type de savoir. C’est une économie qui coûte cher !

VII. Et pour la Relation Défectueuse ?

Si l’on utilise cette analogie avec la personne sujette à une relation dite toxique, elle se retrouve dans une forme de cercle vicieux. Elle remet des pièces dans le casino relationnel, et la hauteur de la chute augmente d’autant.

Un peu comme un chat qui commence à grimper dans l’arbre, et puis à un moment donné, il n’arrive plus à redescendre par lui-même. Il va avoir besoin d’aide.

Dans ce cas précis, c’est la même chose. Pour redescendre, demander de l’aide est une nécessité.

VIII. Le Langage et l’Anti-Pensée

Si l’on revient à l’histoire de l’anti-pensée : étant donné que d'un côté personne utilise la parole comme faire-valoir, comme apparat — à l’image des animaux qui ont des plumes colorées pour séduire — les mots se vident de leur sens.

Et de l'autre un individu qui possède un sens moral où les mots sont porteurs de sens, de moyens pour communiquer et prendre en considération l’autre, que va-t-il alors se passer ? Un dialogue de sourds. Personne n’entend personne.

Ici, c’est à la fois caricatural et tragique. Mais, in fine, cela s’applique également, dans une moindre mesure, à bon nombre de relations triviales du quotidien — heureusement avec l’aspect toxique en moins.

la lumiére de la conscience

Premier pas : la compréhension

Ce que nous venons de parcourir montre à quel point la perversion du narcissisme est une dynamique complexe qui, lorsqu’elle est présente, pervertit non seulement le langage, mais aussi la capacité d’entrer en lien avec autrui.

Développer une compréhension de ces mécanismes, tant pour celui qui en souffre que pour celui qui en est la victime, est une étape essentielle vers la libération.

Prendre conscience de ces jeux relationnels, et de la manière dont la parole peut devenir un instrument de pouvoir plutôt qu’un outil de communication authentique, permet de se réapproprier sa propre intégrité psychique.

Le travail de guérison, bien que long et difficile, est possible. Et la connaissance de ces processus est la première pierre de cet édifice. Si vous vous reconnaissez dans les dynamiques que je viens de décrire, faites appel à un professionnel de la relation d'aide, afin de recevoir du soutien.

Prenez bien soin de vous

Pierre

Post scriptum : article d'auteur, non généré par IA